Cette interview a été réalisée dans l’atelier de Nicolas Maray
Les questions posées par des journalistes et l’entourage de l’artiste, ont pour objet de cerner la démarche artistique du peintre et d’en préciser ses orientations plastiques.
Comment concevez-vous une toile ? D’où vient votre inspiration ?
-Votre deuxième question est à l’origine de la première, elle la précède. Plutôt que de parler d’inspiration, je préfère parler d’observation. Vouloir traiter le thème du temps, demande de s’arrêter sur ses représentations qui demeurent partout autour de nous, si on veut bien s’y attarder. Chaque jour j’observe ses images et ses couleurs. Mes yeux s’arrêtent sur les fissures d’un mur délabré, un portail en fer ou une tôle rouillés, une coque de bateau érodée, une benne de travaux colorée lacérée par l’usure, marquée par le travail de l’homme. Toutes ces images et leur couleur, je les gade en mémoire, si bien que je n’ai jamais éprouvé le syndrome de la toile vierge, équivalent de la page blanche pour un écrivain. Avant même de commencer une peinture, ma mémoire me restitue un graphisme que j’ai déjà vu et qui composera la structure de la toile et une dominante de couleurs qui lui sera associée.
Vous dites que vos sujets d’observation, sont des murs, des portails, des coques de bateaux… somme toute des sujets concrets, mais on ne peut s’empêcher de penser, en regardant vos tableaux, que votre peinture est « abstraite » !
Vous considérez-vous comme un peintre « abstrait » ou « figuratif » ?
-Je conçois que c’est rassurant de mettre des étiquettes, mais malheureusement, le Temps est à la fois abstrait d’un point de vue philosophique, conceptuel mais tellement concret d’un point de vue sensible. La vision que l’on en a est à la fois objective et subjective selon qu’on en parle ou qu’on le vive. Je dirais que mon travail, au sujet du Temps, est une abstraction de sa réalité. Face à un tableau et à première vue, le spectateur le considère généralement comme « abstrait », ne reconnaissant rien de figuratif, dans un premier temps, puis selon sa sensibilité, la matière et la couleur l’interrogent comme si la toile devenait une image déjà vue, restituée par la mémoire. A ce moment-là, il est fréquent d’entendre des personnes dire « ça me fait penser à…on dirait… j’ai l’impression de voir…» et souvent l’impression ressentie est proche de sujet que j’ai voulu traiter. De fait, si pour vous l’une de mes peintures fait écho à vos souvenirs ou à votre imagination, vous ferez de moi un peintre figuratif, sinon je resterai un peintre « abstrait », cela peut paraître paradoxal mais pas contradictoire.
Quand on parle avec vous, vous n’hésitez pas à dévoiler vos différentes techniques, à expliquer votre manière de peindre, n’avez-vous pas peur de dénaturer le mystère qui se dégage naturellement de vos toiles ?
-Je ne suis pas un professeur qui voudrait tout expliquer, cela dit je ne trouve aucun
avantage de ne pas répondre aux questions que l’on me pose. Entretenir le mystère de la création ? S’il m’arrive de répondre à la curiosité d’une personne concernant les outils que j’utilise pour réaliser telle ou telle matière, j’ose espérer que le fait d’y répondre n’altère en rien sa sensibilité face au tableau. Parallèlement, et ce n’est que mon avis, mais j’ai l’impression que les manifestations picturales contemporaines souffrent d’une conceptualisation abusive et d’un hermétisme qui tendraient à n’être compris que par une élite intellectuelle qui seule aurait les clés pour les déchiffrer. Si l’on considère que la nature même d’un artiste est de « mettre au Monde et transmettre », à partir du moment où il décide de transmettre ce qu’il crée et qu’il l’expose au regard de tous, je ne pense qu’il gagne à être incompris dans ses ‘techniques’, ni que la qualité et le mystère de sa création réside dans son opacité.
Pourquoi choisir de peindre sur des grandes toiles ?
– Le format vous paraît grand ? Pour moi il est juste, du moins, il me correspond. Un jour on m’a dit « pourquoi ne peindrais-tu pas sur des petits formats…la même chose, mais en plus petit ? Ça se vendrait mieux ! ». Au-delà de la réflexion qui était aux antipodes de mes préoccupations, je m’y suis essayé, non pour en vendre plus ou mieux mais par défi, mais je n’y arrive pas, tout simplement. J’ai besoin d’entrer physiquement avec le support, avec la matière, sans ressentir une bordure, un cadre qui limiterait mon geste, et le cadre, même s’il en existe toujours un, avec un tel format, me permet de le concevoir comme une frontière et non comme une limite.
Pensez-vous appartenir à un courant artistique ?
-Appartenir, non, mais me sentir proche de certains, je le pense. Je crois qu’un courant artistique doit son essence, sa naissance au regard et en réaction au courant artistique précédent. Il peut devenir le langage artistique d’une société qui se cherche et qui se veut renaitre au sein d’une pensée nouvelle, après avoir tué l’ancienne. Le Romantisme ne se veut-il pas le contre-courant de l’Académisme, le Réalisme n’est-il pas une réaction au Néo-classicisme et à l’effusion sentimentale Romantique ? Si les courants artistiques se sont succédés durant des siècles, je n’appartiens à aucun d’entre eux tout en me sentant proche de ce qu’exprimait Manet : « Je peins ce que je vois et non ce qu’il plait aux autres de voir » sans me considérer pour autant comme un peintre impressionniste, pas plus que je ne serais « Symboliste » en partageant l’avis de Mallarmé selon lequel « Nommer…, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve ». Je ne serai pas davantage « Expressionniste » pour admirer Paul Klee et dire chaque jour « L’Art ne reproduit pas le visible, il rend visible ».
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Conversations entre l’Artiste et des personnalités choisies portant sur les influences de l’Artiste.
Bientôt
Questionnaire de Proust portant sur la personnalité de l’artiste
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